ARTISTE
RYLSEE.
GENÈVE / SUISSE
Rylsee (Cyril Vouilloz), artiste suisse basé à Berlin, réinvente la typographie en donnant vie aux lettres. Ce virtuose du lettrage manuel fusionne street art, humour et jeux typographiques : ses caractères dansent, se transforment en objets ou cachent des calembours visuels, alliant précision suisse et énergie du graffiti berlinois.
Crédits photos : Caran d’ache / Gabriel Balagué / Gabriel Balagué / Caran d’Ache / Caran d’ache
Comment as-tu atterri dans le design/art ? Parle-moi brièvement de ton parcours.
Moi, c’est Rylsee un dérivé en verlan de Cyril, un surnom qui me colle à la peau depuis si longtemps que j’en ai oublié l’origine. J’ai grandi dans un petit village, au bout du monde : après chez moi, il n’y avait plus que des champs… et la frontière française. À l’époque, je pensais que rien ne me mènerait plus loin que les moutons. Le skate a été toute ma vie pendant dix ans : je bossais en shop, je filmais, je ridais. Puis, une grosse blessure à 25 ans a mis un stop brutal à tout ça. C’est là que le dessin, toujours présent en fond, a pris toute la place. Et même si je suis passé du grip au crayon, le skate reste ma source d’inspiration : ses visuels, son style, sa musique… tout cet univers continue d’alimenter ma créativité.
Je suis hyperactif de nature l’ennui me tombe dessus à une vitesse folle. Alors je crée, tout le temps. J’ai toujours un carnet sur moi, je gribouille des idées, des punchlines, des concepts, des objets. C’est dans ces moments d’ennui que naît le plus gros de ma production. Côté parcours scolaire j'ai un CFC en gestion, et une Matu Pro en commerce… sans trop savoir ce que je faisais là, à vrai dire. Le vrai déclic, je l’ai eu vers 20 ans, en visitant les CFP ARTS. Un peu sur un coup de tête, je tente le concours et me retrouve en section graphisme, entouré d’ados de 15 ans. Rapidement, je me rends compte que je ne suis ni assez carré pour le graphisme pro, ni assez perché pour l’art contemporain. Finalement, cette zone grise a été ma libération.
J’ai d’abord pris la route du Canada, à Vancouver, où j’ai vécu quelques années, avant de partir pour le Brésil, puis Berlin, où je réside depuis plus de dix ans. Franchement, tout s’est fait un peu au bol. Je me suis laissé porter par les choses, un projet en a entraîné un autre, naturellement. C’est surtout mes aspirations artistiques qui m’ont guidé. Déjà à Genève, j’étais très actif, notamment dans le graffiti. À l’époque, personne ne peignait vraiment des fresques, et le mot "street art" n’existait même pas encore. Je voulais aller au-delà du graffiti classique et peindre des murs, des grandes surfaces. Du coup, j’ai commencé à approcher différents lieux, clubs, espaces culturels. Le premier qui m’a dit oui, c’est L’Usine à Genève. Je m’étais dit : l’endroit où ils ne refuseront jamais que je peigne, c’est les chiottes. Elles étaient déjà recouvertes de tags, donc je me suis dit : "Quoi que je fasse, ce ne sera jamais pire." Et en plus, tout le monde passe par les toilettes au moins une fois dans la soirée. Alors j’ai peint là. C’est devenu une sorte de première expo publique, et ça a plu. À partir de là, d’autres opportunités sont venues. Par exemple, le Motel Campo un club techno qui venait d’ouvrir. Je leur ai fait remarquer qu’ils n’avaient pas vraiment d’identité visuelle. Je me suis un peu imposé, et ils m’ont donné carte blanche pendant quatre ans pour créer tous leurs posters. C’était génial, je recevais juste la programmation, et je pouvais expérimenter à fond. Un vrai terrain de jeu.
Avec le recul, je me rends compte que c’est souvent une ou deux personnes qui te font confiance au bon moment qui changent tout. Ce sont ces rencontres-là qui te mettent sur des chemins inattendus… et qui finissent par te définir.
Crédits photos : RYLSEE
Quelles étaient tes principales inspirations artistiques quand tu étais enfant ?
Enfant, je me souviens qu’un prof, avec un petit sourire bienveillant, m’avait dit : « Tu sais Cyril, c’est super ce que tu fais… Mais le dessin, c’est un hobby, pas un métier. » Je ne pense pas qu’il ait voulu me décourager ou me freiner. C’était juste sa vision du monde, pleine de bonnes intentions. Dans son esprit, vivre du dessin, c’était une utopie, une voie incertaine qui menait droit à la galère. Il m’a fallu du temps pour comprendre que si, en réalité, le dessin pouvait devenir un métier. J’en ai toujours été convaincu intérieurement, même si le parcours n’a pas été simple. J’ai été viré de plusieurs écoles, pas parce que j’étais rebelle, mais parce que je ne rentrais pas dans le moule. Je faisais partie de ces quelques élèves pour qui le système scolaire ne fonctionne pas. Mais le dessin, lui, est toujours resté. C’était ma manière de penser, de m’exprimer, de comprendre le monde. Aujourd’hui encore, c’est ce regard que je porte sur les espaces. Avec mon frère, on a monté un restaurant ici à Berlin. Lui et sa compagne gèrent la partie opérationnelle, moi, je m’occupe du design, l’intérieur, l’ambiance, tout ce qui se voit. Et on ouvre un deuxième lieu cette année. J’ai toujours aimé ça : entrer dans une pièce vide et imaginer ce qu’elle pourrait devenir. Déjà enfant, je passais mon temps à réorganiser ma chambre. Je pense que c’est simplement devenu ma façon naturelle de voir le monde.
Ce qui m'a vraiment toujours inspiré, ce sont les logos. Et plus largement, les typos. Quand j’étais plus jeune, j’avais ce petit jeu : je choisissais une catégorie par exemple une marque de sport ou de voitures (alors que je ne suis même pas fan de bagnoles) et j’essayais de redessiner de mémoire le plus de logos possible. Ce qui me fascinait, c’était de voir à quel point une simple forme ou une typographie pouvait communiquer instantanément une identité, une ambiance, un univers. Juste ça, sans aucun mot. Et ce n’était pas réservé aux pros. Même ma grand-mère, qui a grandi dans un village de montagne en Suisse, reconnaissait les codes. Je lui montrais le même mot écrit dans différentes polices et elle me disait : “Ah, ça, ça me fait penser à un salon de coiffure” ou “à une marque de sport”. Ces codes sont ancrés en nous, inconsciemment. J’ai aussi toujours été attiré par le noir et blanc. Pas parce que je ne sais pas gérer la couleur – bon, ce n'est pas mon point fort non plus – mais parce que j’aime la radicalité que ça impose. En noir et blanc, tu n’as pas d’échappatoire. Soit tu poses quelque chose, soit tu laisses vide. Tu ne peux pas tricher avec un dégradé ou une palette complexe. Il y a un côté brut, franc. Peut-être que ça vient du graffiti, que j’ai beaucoup pratiqué, autant en mode légal qu’en mode plus… nocturne. Et même dans mes boulots numériques, j’ai gardé cette approche très directe. Sur l’affiche de Montreux, par exemple, certains me demandent comment j’ai fait pour organiser mes calques. En vrai ? Il y en a trois. Sketch, contour, couleur. Comme en graffiti. Et je bosse pareil sur iPad. Les gens ont souvent peur de faire des erreurs, mais pour moi, c’est justement l’erreur qui fait évoluer le dessin. Quand tu dessines au feutre, sans croquis préparatoire, un “faux trait” peut t’amener ailleurs, te faire explorer une nouvelle idée que tu n’aurais jamais eue autrement. C’est ce que je reproche à l’iPad parfois : tu peux revenir en arrière, corriger, gommer à l’infini. Mais c’est justement quand tu ne peux pas revenir en arrière que tu te dépasses.
Crédits photos : Rylsee
Peux-tu nous parler de ta routine matinale et des supports que tu utilises au quotidien pour ton travail ?
J’ai une bonne routine ! Je me lève tôt, et je commence toujours par quelques exercices. Ça varie : si je suis avec ma fille et que j’ai dormi tôt, je me limite à 20 minutes, juste pour réveiller le corps. Sinon, je prends plus de temps pour moi, pour bien démarrer la journée. Un truc auquel je tiens beaucoup : respirer l’air frais dehors dès le réveil, c’est devenu un vrai rituel. Ensuite vient mon moment préféré : le petit-déj. J’adore ça ! Je me prépare toujours un truc un peu stylé, je coupe des fruits, j’ajoute du muesli, c’est un vrai moment de plaisir et de calme. Ce rituel matinal est super important pour moi.
Puis direction l’atelier… ou parfois, avant ça, je vais dessiner dans un café. J’aime ces cafés avec des sièges qui donnent sur la rue, ça me permet de voir la ville s’éveiller, d’observer les gens, de ressentir le rythme du matin. Je fais du dessin analogique, en mode déconnecté, sans pression. J’ai repéré plusieurs cafés dans mon quartier pour ça, chacun avec une ambiance différente. Et ensuite, soit je file à l’atelier, soit au resto pour bosser selon les priorités du jour.
Pour le support mon carnet, c’est mon outil de base. Et puis il y a mon iPad, que je n’ai pas toujours sur moi. Je n’utilise quasiment plus d’ordinateur portable, j’essaie progressivement de m’en affranchir. Même pour mes présentations de projets, je passe directement par l’iPad, que ce soit avec Pages ou Keynote. À vrai dire le seul moment où j’ai encore besoin d’un ordi, c’est pour certains éléments de design, comme les menus du restaurant. Là, c’est mon assistant qui prend le relais. Mais sinon, tout commence ici, dans mon carnet : que ce soit des croquis pour moi, des plans pour le resto ou même des concepts de sculptures pour le musée. C’est vraiment mon point de départ créatif.
Crédits photos : Rylsee
Quelles sont tes inspirations qui t'aident dans ton travail de tous les jours ?
Je puise très peu dans des références artistiques classiques. J’avoue avoir une connaissance assez limitée du monde de l’art : je ne connais pas vraiment les mouvements artistiques ni les grands noms. Ce n’est pas là que je vais chercher mon inspiration. Mes sources sont beaucoup plus simples et quotidiennes. J’écoute, j’observe, je pense. Souvent, mes idées viennent d’une phrase entendue, d’un ressenti ou même d’un principe qui me traverse l’esprit.
Mes carnets ressemblent à un mélange de pensées, de textures, de réflexions visuelles. Par exemple, l’autre jour, en observant l’eau, j’ai remarqué que les reflets effaçaient complètement les lignes horizontales des bâtiments. Même si les fenêtres sont parfaitement alignées, le reflet n’en garde que des traits flous. Je ne sais pas encore ce que j’en ferai, mais j’ai pris une note. Ce sont ce genre de détails qui nourrissent mon processus créatif.
Crédits photos : Rylsee
Il me semble avoir vu dans une de tes interviews que tu prends parfois des notes sous forme de dessins. Est-ce que tu peux m’en dire plus sur cette manière de réfléchir ou de t’exprimer ?
Oui, c’est vrai ! Il m’arrive souvent de prendre des notes sous forme de dessins. C’est une manière pour moi de clarifier mes idées, de les rendre plus concrètes. Le dessin me permet de visualiser des connexions ou des émotions que les mots seuls ne captent pas toujours. C’est un outil de réflexion. Parfois, un croquis vaut mieux qu’un long paragraphe pour saisir l’essence d’un projet ou d’une idée et je trouve ça super. À ce propos, justement, ça ne fait pas longtemps que je pratique le dessin d’observation. C’est vraiment un exercice différent, que je n’avais encore jamais fait auparavant. En fait, me poser, me déconnecter complètement, être vraiment dans l’instant, bien, observer… C’est hyper méditatif. C’est presque une forme de thérapie quand je le fais. Comme le dessin, c’est une vraie activité de pleine conscience. Quand tu es dedans, tu es juste là, présent. La plupart du temps, mes créations partent toujours d’une idée. Ensuite, la forme qu’elle va prendre dépend de la manière dont je vais l’exprimer. Mais le dessin d’observation, c’est autre chose : mon cerveau est vide, je regarde, je retranscris. Il n’y a pas d’interprétation, pas de pensée parasite, rien d’autre que le moment présent. J'adore ça !
Crédits photos : Rylsee
Quels sont les sujets que tu aimes le plus explorer dans ton travail ?
C’est beaucoup de pensées, de réflexions. Parfois, perdre, c’est en réalité le plus grand des gains. L’autre jour, je me demandais si Internet me faisait gagner ou perdre du temps. C’est vraiment la question en ce moment. Et puis je suis tombé sur cette phrase : "Don’t lose a diamond chasing glitter."
Je la trouve belle, parce qu’elle parle de concentration, de clarté. Et aujourd’hui, dans une époque où on veut toujours tout, c’est encore plus vrai. Tu vois, t’as un job que tu kiffes, mais tu continues à chercher mieux. T’as une partner que t’aimes, mais tu regardes ailleurs. On est rarement satisfaits. C’est vrai, on est tout le temps dans cette quête, parfois insatiable. Et je pense qu’il faut apprendre à reconnaître ce qu’on a de précieux… Souvent, ce genre de pensées, c’est comme des notes que je me laisse à moi-même. Je suis un tout petit consommateur de divertissement.
Je regarde quasiment pas de films. Franchement, j’ai dû regarder trois séries dans toute ma vie. J’ai aucun abonnement de streaming, je joue pas aux jeux vidéo. J’ai rien contre, c’est juste pas ce que je fais. À la place, je dessine, je lis, je réfléchis.
Crédits photos : Montreux Jazz Festival / Sketchbooks: RYLSEE
As-tu un projet de rêve ? Un(e) artiste, une marque avec qui tu souhaiterais collaborer ?
Je pense que la première collaboration de rêve, ce serait avec Louis Vuitton.
J’ai toujours été fasciné par leurs vitrines, leurs agencements, le soin apporté à chaque détail. Leur approche 360° est incroyable : quand ils lancent un produit ou une collaboration, ce n’est jamais juste un objet. Il y a tout un univers autour des films, des sculptures, une mise en scène complète. Je me souviens, il y a des années, j’allais souvent à Paris pour skater. À un moment, sur les Champs, pendant des travaux, au lieu de mettre de simples échafaudages, ils avaient recouvert le bâtiment avec une immense malle, comme une sculpture géante. C’était fou, ça allait super loin dans le storytelling. Et c’est exactement ça qui m’inspire. Quand je pense à un projet, je pense global. Par exemple, quand un client me demande un poster, j’imagine déjà les déclinaisons : vêtements, mugs, objets, sculptures interactives… Je leur avais même proposé ces petits bonhommes avec des ressorts qu’on secoue, j’avais fait les sketchs, c’est tout un écosystème. Et Louis Vuitton permettrait ça, parce qu’il n’y a pas de limites. C’est LVMH, il n’y a pas de plafond à la créativité.
La deuxième marque, ce serait IKEA. J’avais déjà collaboré avec eux il y a quelques années, sur un petit projet. Mais j’aimerais aller plus loin. Ils avaient lancé une collection avec des artistes, je ne me souviens plus du nom exact, mais il y avait Stéphane Marx, un illustrateur et peintre allemand, Daniel Arsham, un sculpteur new-yorkais, et d’autres. Ce que je trouverais génial, ce serait de développer un vrai petit produit. J’ai par exemple des chaises que j’ai dessinées il y a quelque temps, qui dorment encore dans mes carnets. Et j’adore l’idée que ce soit un objet stylé, bien pensé, mais accessible à tous. Il y a Vitra également, que je respecte énormément, j’adorerais collaborer avec eux aussi, mais c’est une autre gamme, plus exclusive. Ce que j’aime chez IKEA, c’est que le design peut toucher tout le monde. C’est démocratique, c’est ça que je trouve puissant.
Et puis si je devais ajouter un troisième univers, ce serait l’horlogerie. Récemment, j’ai eu la chance de collaborer avec une maison de haute horlogerie en Suisse. Je ne peux pas encore trop en parler, mais cette expérience m’a fait découvrir une vraie passion. La précision, la mécanique, l’attention au détail, c’est fascinant. Il y a des passionnés capables de dater une montre au premier coup d’œil parce que le “2” du cadran est légèrement différent… c’est presque de la folie typographique !
Du coup, dans les prochaines années, j’aimerais vraiment creuser cette voie, et explorer davantage l’univers de l’horlogerie.
Crédits photos : Rylsee
De quel projet es-tu le plus fière ? Et pourquoi ?
Tu sais, c’est marrant parce que la fierté, c’est un sentiment que je ressens très peu, en général. Et je me suis souvent demandé pourquoi. Je crois qu’il y a deux raisons à ça. Déjà, les choses pour lesquelles je pourrais être le plus fier ou celles que les gens imaginent comme étant mes plus grandes fiertés sont souvent des trucs que je n’ai pas du tout vus venir. Du coup, je n'ai pas forcément le recul nécessaire pour me dire : « Wow, c’est ouf ce que je viens de vivre. »
Typiquement, les deux projets dont on parlait avant, et le Musée Olympique. Qu’ils me choisissent moi, parmi tous les artistes possibles dans le monde, pour créer une œuvre qui symbolise l’entrée de mon sport préféré le skate aux Jeux olympiques… C’est fou. Et plein de gens m’ont dit : « Mais ça doit être un rêve d’enfant ! »
Mais non, justement. Quand j’étais gosse, le skate n’était même pas considéré comme un sport. J’aurais jamais pu intégrer une classe de sport études avec ça. Et l’illustration, le graffiti, le street art, tout le monde me disait que ce n’était pas un métier sérieux. Alors aujourd’hui, qu’on me demande de créer quelque chose qui fusionne ces deux mondes, c’est irréel. Mais est-ce que c’est de la fierté que je ressens ? Je ne sais pas vraiment. C’est peut-être un autre type d’émotion, plus complexe.
L’autre exemple, c’est Le Montreux Jazz Festival. J’ai toujours vu ce projet comme un truc complètement inaccessible. Tu regardes l’historique des affiches, c’est hallucinant. Ce n'est que des monstres. Des artistes comme Keith Haring, Niki de Saint Phalle … Je ne me mettais même pas dans la même galaxie. Et le jour où ils m’ont contacté en me disant qu’une personne de la haute direction avait recommandé mon travail, qu’ils aimaient ce que je faisais, et qu’on a commencé à bosser ensemble… Là aussi, c’était irréel.
Mais au fond, je crois que ce qui me rend le plus fier, ce n'est pas forcément les projets artistiques eux-mêmes. J’ai rencontré pas mal de gens que j’admirais, côtoyé des univers que je pensais inaccessibles… Ce qui me rend vraiment heureux, c’est qu’on me dise que je suis resté quelqu’un de simple et d’humble. Ça m’aurait vraiment embêté de devenir quelqu’un d’arrogant ou de fermé. Je pense que je suis resté humble. Et je crois que c’est aussi parce que je suis encore admiratif. Je suis toujours fan des gens, j’ai encore des étoiles dans les yeux. Et quelque part, ça m’aide à rester à ma place.
Crédits photos : Maquette: RYLSEE / Sculpture musée: Gabriel Balagué
Un remède contre la feuille blanche ou le blocage créatif ?
En réalité, le vrai blocage que j’ai eu pendant longtemps, c’était plutôt au moment de recevoir le brief. Souvent, dès la première lecture du PDF, je sais si ça va matcher ou pas. Si ça clique direct, c’est comme si 70 % du travail était déjà fait. J’ai des images qui me viennent, des idées, je me mets à sketcher. Soit ça vient d’un coup, soit… rien du tout. Et longtemps, ça m’a perturbé. Je me disais : « Mais attends, si j’ai une idée trop vite, est-ce que ça “vaut” ce qu’on me paie ? » J’étais bloqué dans une logique de temps versus la rémunération. Mais aujourd’hui, j’ai lâché ça. Parfois, mes premiers croquis spontanés, bruts, sont bien plus forts que des illustrations sur lesquelles j’ai bossé 10 heures. Et j’ai appris à faire confiance à cette intuition-là. Concernant le blocage de la feuille blanche, je crois qu’il faut surtout éviter de forcer. Parfois, il vaut mieux faire une pause, s’aérer, changer d’environnement. Bon, évidemment, quand t’as une deadline, tu dois composer avec.
Mais un truc qui m’a beaucoup aidé, je l’ai lu dans un livre : On pense souvent que le processus créatif fonctionne dans l’ordre : Inspiration → action → motivation.
Et si tu n'as pas d’inspiration, t’es bloqué dès la première étape. Alors qu’en réalité, c’est un cercle : parfois, c’est l’action qui déclenche la motivation, et la motivation qui fait naître l’inspiration. Donc, au lieu d’attendre l’idée géniale, il faut juste commencer. Même sans réfléchir, tu gribouilles un truc, tu testes, tu lances un croquis. Et petit à petit, ça enclenche une mécanique. Une idée en amène une autre, puis encore une autre. C’est comme une boule-de-neige : au bout d’un moment, ça roule. Donc mon conseil, ce serait ça : commence. N’attends pas que l’idée parfaite tombe du ciel. Sketch, essaye, même des trucs moches, ça débloque toujours quelque chose. Ce qui m’aide aussi, c’est de parler. Quand je suis un peu paumé, j’appelle un pote, je discute avec quelqu’un. Les idées viennent souvent dans l’échange.
Mes carnets sont un mélange de pensées, de textures et de réflexions visuelles. L’autre jour, en regardant l’eau, j’ai remarqué que les reflets effaçaient les lignes des bâtiments, ne laissant que des formes floues. Je ne sais pas encore ce que j’en ferai, mais c’est ce genre de détail qui alimente mon processus créatif.
Rylsee
Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui souhaite devenir illustrateur/trice ?
Ce que je disais au début, c’est que si tu veux que les gens te connaissent pour quelque chose, alors il faut le montrer. Beaucoup. Encore et encore. Au tout début de ma carrière, je dessinais tout le temps. J’en postais énormément. Et c’est ce qui a lancé les choses : un projet en amène un autre, puis un autre, et ainsi de suite. Et surtout : ne sois pas trop perfectionniste. Parce qu’à force de vouloir que tout soit parfait, tu finis par ne rien publier du tout. Il vaut mieux que ce soit fait même de manière imparfaite que ça reste coincé dans un tiroir.
Après, ce qui est difficile aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux. Franchement, ça me met une pression énorme. Et je sais que je suis loin d’être le seul. Je lis pas mal sur ce sujet, et je pense qu’en tant que créatif, la comparaison constante, c’est vraiment toxique. Le pire, c’est que les moments où je me sens le plus libre, le plus inspiré, c’est justement quand je suis déconnecté. Mais même là, t’as une petite voix qui revient :
« Tu devrais poster quelque chose, être actif… » C’est un vrai tiraillement.
Je crois qu’il faut accepter d’être une niche, si ce que tu fais ne touche pas tout le monde. Beaucoup veulent « percer », être connus. C’est encore plus vrai avec la culture du buzz, des algorithmes, des likes. Mais il faut te poser cette question : qu’est-ce que tu veux vraiment ? Tu veux être cette personne qui explose un jour, avec un truc qui fait des millions de vues, puis qui disparaît dans l’oubli ? Ou tu veux construire quelque chose de plus lent, plus stable, plus profond ? Un peu comme un artiste ou un groupe de musique : il y a ceux qui font un seul hit, et ceux qui bâtissent une carrière sur la durée, avec plusieurs albums. Les deux ont leur valeur. Mais il faut juste savoir ce que toi, tu veux.
Un autre truc : reste toujours respectueux. Pas besoin de mettre les gens sur un piédestal, mais ne les prends pas de haut non plus, même quand tu sens qu’on t’admire. Ce n’est même pas une question de karma même si oui, parfois ça peut te retomber dessus, mais c’est surtout pour toi-même. Parce que quand tu sais, au fond, que tu restes droit, que tu es bien avec toi-même… tu dors mieux la nuit. Et ça, je crois que c’est ce qui te revient toujours à un moment donné.
Crédits photos : Vitrine / KADEWE : Rylsee
Où peut-on te suivre et consulter tes travaux ?
Mon Instagram, je pense que c’est la plateforme que je mets le plus à jour. C’est là que je partage le plus régulièrement ce que je fais que ce soit des dessins en cours, des projets finis ou même juste des bribes de réflexion. C’est devenu un peu mon carnet de bord visuel. Je l’utilise presque comme un portfolio vivant, en perpétuelle évolution.
Crédits photos : Rylsee
Fondue ou Raclette ?
Je mange plus de fondue, mais je kiff tout autant la raclette. Mais la vraie, tu vois ce que je veux dire avec la demi-meule, pas le machin en tranches dans un appareil à tiroirs. En fait, je pense que si je mange plus de fondue, c’est surtout une question de praticité. Une fondue, c’est facile à préparer, t’as juste besoin du caquelon, du fromage, du pain… alors que la vraie raclette, il faut le bon matos, le demi-fromage, le four spécial… C’est plus logistique. Mais niveau goût, la raclette reste en haut du podium pour moi.
Crédits photos : Rylsee
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