ILLUSTRATRICE INDÉPENDANTE
ALICE IZZO.
GENÈVE / SUISSE
Originaire de Genève, Alice est passionnée par le dessin depuis son plus jeune âge. Et c’est tout naturellement qu’elle s’est dirigée vers le vaste et diversifiée monde de l'art et du design. Ses illustrations, vibrantes de couleurs et empreintes de vie, ne passent pas inaperçues. Elles prennent vie sur différents supports, tels que la céramique, les vêtements et les fresques murales.
Comment as-tu atterri dans le design/art ? Parle-moi brièvement de ton parcours.
J'ai toujours été passionnée par la créativité et l'art depuis mon enfance, cependant, je n'ai pas immédiatement envisagé une carrière dans ce domaine. C'est après avoir été inspirée par l'artiste et designer italien, Bruno Munari, que j'ai commencé à explorer davantage cette voie. La découverte de son travail m'a ouvert les portes à l'art sous toutes ses formes, et j'ai été fortement influencée par sa diversité créative. Après avoir reçu l'un de ses livres en cadeau, j'ai pris conscience du vaste éventail de possibilités offert par le monde de l'art et du design. Mon intérêt s'est particulièrement porté sur le design et la conception en trois dimensions. J'ai expérimenté la création d'objets uniques en dessinant des chaises, des lampes aux formes inhabituelles, tout en enregistrant mes idées de design dans des carnets.
Animée par cette nouvelle passion, j'ai décidé de m'inscrire à l'École Cantonale d'Art de Lausanne (ECAL) pour me spécialiser en design industriel. Cependant, malgré mes efforts pour intégrer cette école sélective, je n'ai pas été acceptée après l'entretien, ce qui a constitué un moment très difficile, d'autant plus que je n'avais pas de plan B.
C'est alors que j'ai décidé de prendre une année sabbatique et de profiter d'une opportunité de stage dans une entreprise de design et d'architecture en Italie, grâce à un contact de mon père. Rapidement, j'ai constaté que le design industriel demandait une quantité considérable de technicité et était assorti de nombreuses contraintes, ce qui ne correspondait pas à ma vision de la créativité et de l'imagination. J'avais besoin de plus de créativité, d'imaginer des objets rigolos, des formes et dessiner des objets. Face à ce constat, j'ai temporairement renié toute ma créativité, me demandant si le domaine du design était vraiment fait pour moi. À ce moment, un professeur de géographie m'a inspirée à explorer de nouvelles opportunités. J'ai donc choisi d'étudier la géographie, bien que sans une vision claire de ce que cela pourrait aboutir. Néanmoins, cette décision me semblait offrir davantage d'options et de possibilités. Après avoir obtenu mon diplôme en géographie, j'ai renoué avec ma passion pour le dessin, que j'avais négligée pendant un certain temps. J'ai recommencé à produire davantage d'illustrations en les exposant dans des bars et recevant des propositions d'expositions. Cette expérience m'a beaucoup redonné confiance en mon travail.
Par la suite, j'ai poursuivi un Master à la HEAD, qui incluait la médiation culturelle et l'art socialement engagé. Cette dimension sociale a captivé mon intérêt, car je souhaitais créer des projets qui avaient une portée sociale. J'ai eu l'impression que cette approche reliait mes intérêts en géographie et en art. Durant ce Master, j'ai continué à développer mes compétences en illustration. À ce stade, j'ai commencé à recevoir des offres pour créer des fresques murales et pour d'autres mandats artistiques. Ces opportunités ont renforcé ma conviction que l'illustration était vraiment ma véritable passion !
En 2017, j'ai pris la décision de me consacrer exclusivement à l'illustration, en abandonnant d'autres domaines tels que la médiation culturelle et l'art contemporain. Cette spécialisation était essentielle pour que les gens puissent mieux identifier mon travail. Depuis, j'ai poursuivi mon chemin en tant qu'illustratrice. J'ai débuté par des petits boulots pour subvenir à mes besoins jusqu'à ce que mon travail d'illustration prenne son envol ces dernières années. Ainsi, l'illustration est devenue le pivot central de mon parcours professionnel.
Est-ce toujours quelque chose que tu as voulu faire ?
Oui tout à fait. J'ai même ressenti cette crainte de ne pas oser me considérer comme une artiste, comme si cela était hors de portée. Mais j'ai toujours eu la certitude que l'art était une part essentielle de mon être, destinée à accompagner ma vie. C'est une nécessité pour moi de laisser s'épanouir ce qui réside en moi, de m'exprimer à travers ce canal qu'est l'art.
Quelles étaient tes principales inspirations artistiques quand tu étais enfant ?
Je dirais que ma famille a eu un impact significatif. Je suis à moitié suisse et à moitié italienne. Ma grand-mère italienne était une artiste contemporaine qui a même exposé à la Biennale de Venise dans les années 70. Malheureusement, nous n'habitions pas dans la même ville, elle était à Milan, alors je ne la voyais pas au quotidien. Cependant, à chaque visite à Noël, j'étais fascinée par ses créations et son processus de création, utilisant des matériaux qu'elle trouvait, comme des cartons qu'elle brûlait pour créer des montagnes avec des superpositions de cartons colorés. Son appartement était pour moi un musée, et ces souvenirs sont toujours très vivaces dans ma mémoire.
D'un autre côté, mon grand-père suisse, qui habitait juste au-dessus, était architecte, mais il était également un artiste dans l'âme et dessinait énormément. Nous passions beaucoup de temps ensemble, car nous vivions dans la même maison. Il a clairement éveillé ma créativité et mon amour pour le dessin. Nous faisions souvent des jeux, comme dessiner les yeux fermés sur une feuille, puis échanger les papiers et essayer de trouver des formes figuratives dans les tracés aléatoires. Ces moments étaient précieux pour stimuler ma créativité. Mon grand-père attachait une grande importance à nourrir l'imagination par le biais de tels exercices. Il insistait sur l'importance de ne pas copier, bien que plus tard, j'aie exploré cette voie, en prenant des photos comme références. Mes débuts dans le dessin étaient très différents, avec un style très précis et minutieux, presque gravure, et j'y consacrais des heures. Finalement, j'ai suivi une voie différente, retrouvant un monde plus imaginaire, un imaginaire authentique. Après tout, j'ai compris l'importance de son conseil. Donc oui ma famille a été une source d'inspiration importante pour moi, ayant une grande sensibilité envers le monde artistique.
Comment se passe ta routine matinale ? Ta journée type.
Alors, je ne suis pas très routinière ... Les matins, je saute le petit déjeuner et je me contente d'un café. Ensuite, je m'active, mais je n'ai pas de rituel particulier. J'ai souvent pensé que ce serait génial d'avoir une routine où je me lèverais le matin et consacrerais une ou deux heures à dessiner de façon complètement libre, sans contraintes de mandats, juste pour moi.
Cependant, ces matins créatifs sont rares, car je tends plutôt à attaquer le travail directement. Mes journées ne se ressemblent pas. L'un des grands avantages de l'indépendance, c'est de pouvoir modeler sa journée comme bon nous semble. Cela ne signifie pas que l'on se permette des pauses tout le temps, parfois ce n'est pas possible. Mais il y a des moments où on peut se permettre de prendre des après-midis libres. En tant qu'indépendant, on porte plusieurs casquettes. On est à la fois chargé de faire les devis, de s'occuper de l'administration, de répondre aux e-mails, et de gérer la communication. Instagram est devenu un outil essentiel, il faut y investir du temps, car c'est là que le public se trouve. Il faut constamment créer pour avoir quelque chose d'intéressant à raconter ou à montrer.
Il y a aussi les rendez-vous qui ponctuent mon emploi du temps. Le seul élément fixe dans ma semaine, c'est le jeudi, où je travaille dans la boutique. Cela rythme un peu ma semaine, et j'apprécie vraiment ce moment. J'adore utiliser des listes de tâches, mais je n'ai pas de routine très précise.
Quel est ton setup actuel ?
J'ai le studio Les Amazones qui est le studio à Plainpalais, où je travaille principalement lorsque j'ai des tâches à accomplir pour le magasin.
Par ailleurs, j'ai la chance d'avoir obtenu un ancien bail à Genève. J'ai aménagé une pièce pour en faire un atelier avec plusieurs espaces de travail, comprenant un ordinateur et un iPad. J'utilise fréquemment l'iPad, en particulier pour les projets destinés à des clients. Cet outil a révolutionné mon processus de travail, car il s'avère extrêmement pratique. Mon travail est très axé sur les couleurs, et grâce à l'iPad, je peux facilement apporter des modifications colorimétriques sans avoir à tout recommencer, comme c'était le cas lorsque je travaillais sur des œuvres traditionnelles. Cependant, je m'efforce de maintenir un équilibre avec des médiums traditionnels. Il y a eu une période où je n'avais presque plus le temps de peindre à la main, d'utiliser les pastels gras ou les crayons de couleur. Actuellement, je m'efforce réellement de retrouver ce côté traditionnel, car je considère que travailler de cette manière est plus profond et authentique. Les résultats sont différents, moins plats, avec une texture plus vivante et un aspect en relief.
J'ai également une passion pour la sculpture. J'aimerais consacrer davantage de temps à développer des projets en 3D. Je travaille fréquemment avec des découpes de bois, mais j'expérimente aussi avec des matériaux inhabituels, tels que des mousses de chantier, pour créer des sculptures. J'aime les découper, les peindre, les transformer en décors et en scénographies. C'est un aspect que j'apprécie énormément. Cependant, mon atelier actuel ne convient pas pour ce type de travail. Mon rêve serait d'avoir un atelier plus spacieux à l'avenir, comme c'est le souhait de la plupart des artistes. Un endroit où je pourrais laisser libre cours à ma créativité, faire des désordres, couper des matériaux, aspirer la poussière, bref, un espace dédié à la création.
Quelles sont tes inspirations qui t'aident dans ton travail de tous les jours ?
Je trouve de l'inspiration partout, vraiment dans la vie quotidienne. Ce sont les petites choses du quotidien qui m'interpellent. J'ai une énorme collection de photos, car j'ai tendance à prendre beaucoup de clichés pour me rappeler des idées. Lorsque je me promène en ville, je peux voir un graffiti, une juxtaposition de couleurs, et cela peut déclencher une idée créative. Alors, je prends une photo, parfois accompagnée d'une note pour expliquer le contexte ou l'inspiration. Je pense toujours que je vais me souvenir de l'essentiel, mais parfois, lorsque je regarde la photo plus tard, l'inspiration initiale s'estompe. C'est pourquoi je m'efforce désormais de prendre une photo et de prendre des notes pour consigner mes idées, car elles peuvent disparaître rapidement.
Mes sources d'inspiration sont variées, allant d'une balade dans une ville que je ne connais pas, en passant par des affiches publicitaires, jusqu'aux étals de légumes au marché, j'apprécie particulièrement la manière dont les légumes sont disposés. Les couleurs ont également une grande importance dans mon travail, car je travaille souvent sur la composition des couleurs. Des combinaisons de couleurs spécifiques peuvent vraiment m'inspirer, tout comme certains sujets, que ce soient des objets, des vases, des fleurs, ou même des éléments de mon quotidien.
Quels sont les sujets que tu aimes le plus explorer dans ton travail ?
En ce moment, je suis particulièrement attirée par le dessin de plantes et de fruits. Rien ne vaut un fruit, surtout en été, lorsque je dessine. Mais au-delà de cela, j'aime aussi aborder des sujets tels que la féminité et le body positivisme. Il est essentiel pour moi, lorsque je représente des personnages - bien que cela n'arrive pas toujours - de célébrer la diversité, que ce soit en termes de forme ou de couleur. Il m'arrive parfois de dessiner des personnages bleus, par exemple, pour éviter de leur attribuer une couleur de peau spécifique. De plus, je crée des personnages androgynes, qui ne suivent pas les normes traditionnelles de genre, et mettent en avant la variété des femmes, car je trouve qu'elles sont parfois moins visibles.
Mon objectif est que mon travail dégage une atmosphère de joie, de légèreté, et de couleurs vives qui apportent de la gaieté. Cependant, de temps en temps, je traite également de sujets importants en collaboration avec des associations. Par exemple, je collabore avec Swiss Climate Action. Je choisis soigneusement mes partenaires et clients en m'assurant qu'ils partagent mes valeurs et que les sujets que nous abordons sont en accord avec celles-ci.
As-tu un projet de rêve ? Un(e) artiste, une marque avec qui tu souhaiterais collaborer ?
C'est une excellente question. Il y aurait certainement de nombreuses possibilités, mais en y réfléchissant maintenant, je dirais que ce serait incroyable de créer des timbres pour la poste. L'année dernière, ils ont sorti des timbres vraiment sympas, avec des formes originales comme des glaces et des pastèques. J'étais là, wow, si un jour, j'ai mes illustrations et qu'on les envoie comme ça par la poste suisse, je serais hyper fière.
Une autre idée qui me plairait beaucoup serait de travailler sur le design des transports publics genevois (TPG). On me dit souvent que mes illustrations ont le pouvoir de mettre les gens de bonne humeur, alors je me dis que cela pourrait aider les automobilistes à rester calmes dans le trafic 
De quel projet es-tu le plus fier ? Et pourquoi ?
Il s'agissait d'un projet initié par Sophie Le Meillour, spécialisée dans le mapping, qui consiste à projeter des illustrations, des photos et des vidéos sur les bâtiments et monuments. Cette initiative a eu lieu pendant la période de la pandémie de Covid-19, lorsque la ville de Genève a lancé un appel pour animer l'été en proposant des projets compatibles avec les mesures sanitaires, principalement en extérieur. Sophie a choisi trois illustratrices genevoises, dont moi, ainsi que Popy Matigot et Isabelle Von Marlon, pour collaborer à ce projet. Ensemble, nous avons sélectionné un univers et créé de courtes histoires visuelles. Nous avons fourni nos dessins à Sophie, qui s'est chargée de les animer pour créer des petites scènes. Ces animations ont ensuite été projetées sur des lieux emblématiques de Genève, notamment la place des Grottes, la place des Volontaires devant l'usine, et le mur des Réformateurs au Bastion.
L'un de mes moments préférés de ce projet a été la projection des dessins animés en grand format, avec le public réagissant, riant, et même dessinant eux-mêmes à l'aide de l'iPad Procreate, leurs créations étant projetées en direct sur ces emblèmes genevois. J'ai trouvé cette expérience extrêmement puissante et je serais enthousiaste à l'idée de la refaire demain.
Un remède contre la feuille blanche ou le blocage créatif ?
Malheureusement, non. Je crois que c'est un passage obligé. Je crois qu'on est obligé de passer par là. C'est une étape que nous devons tous traverser. Le conseil que je pourrais donner, c'est de l'accepter et de ne pas essayer de forcer les choses. Parce que plus on force, plus on va faire des trucs, plus on va s'énerver parce que ça ne va pas marcher. Donc, de juste dire que c'est une période et ça passe. Généralement, ça passe. Dans de tels moments, il est souvent plus bénéfique de changer d'activité, de faire une marche, de faire du sport, de décrocher complètement pour mieux revenir à notre travail créatif. À mon avis, forcer la créativité ne fait qu'aggraver le blocage et le rendre plus tenace. Il vaut donc mieux reconnaître que ce n'est pas le moment, passer à autre chose, puis revenir lorsque l'inspiration sera plus présente. Je n'ai pas de solution miracle à proposer, car je pense que traverser ces phases de blocage est une étape inévitable. C'est un peu comme la vie en général, avec ses hauts et ses bas, et la créativité ne fait pas exception.
j'ai toujours eu la certitude que l'art était une part essentielle de mon être, destinée à accompagner ma vie. C'est une nécessité pour moi de laisser s'épanouir ce qui réside en moi, de m'exprimer à travers ce canal qu'est l'art.
Alice Izzo
Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui souhaite devenir designer/illustrateur ?
Je pense qu'il faut dessiner, dessiner, dessiner ... Sans trop se poser de questions. Souvent, nous sommes nos propres juges les plus sévères. Donc pas trop se poser de questions. Je pense que c'est un bon conseil. Et de se lancer à vrai dire. Si on a envie de faire un projet, il faut le faire et tout mettre en place pour y arriver. Et voilà, je pense que ma pensée au quotidien, c'est un peu de faire ça. C'est d'oser, car il n'y a rien sans rien. Si on ne met pas l'énergie dedans, ça ne va pas venir tout seul.
Où peut-on te suivre et consulter tes travaux ?
Ce serait clairement en premier lieu Instagram : www.instagram.com/alice__izzo/
C'est là ou vraiment, j'ai le plus de projets mis à jour et de manière plus quotidienne.
Et j'ai également un site web, qui fonctionne actuellement comme une boutique en ligne. Vous pouvez le visiter ici : www.aliceizzo.com
Fondue ou Raclette ?
Du coup, c'est la fondue et la moitié moitié, le classique. Mais j'aime beaucoup les deux. J'adore la raclette aussi.
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