UX DESIGNER INDÉPENDANT
PATRICK GRAF.
GENÈVE / SUISSE
Senior UX Designer basé à Genève, possédant une riche expérience. Patrick a travaillé en étroite collaboration avec des institutions majeures en Suisse pour fournir son expertise dans la recherche, la conception et la mise en œuvre d'expériences utilisateur complexes, ainsi que pour élaborer des design system sophistiqués. Son but principal est de concevoir des expériences digitales efficientes dans un contexte où les informations et les données sont omniprésentes.
Comment as-tu atterri dans le design/art ? Parle-moi brièvement de ton parcours.
J'ai débuté ma carrière dans le secteur de la publicité en travaillant pour de grandes agences telles que Publicis, McCann, Ericsson, et Bozell Advertising. Au sein de ces agences, j'ai acquis de précieuses compétences en tant que directeur artistique. Cependant, j'ai toujours été profondément intéressé par les aspects stratégiques de la communication. J'ai constamment réfléchi à ce que nous communiquons, à notre public cible, et à la raison pour laquelle nous concevons des visuels de certaines manières. Mon approche était donc teintée d'une analyse constante. Mon travail dans ces agences m'a amené à me concentrer davantage sur l'identité visuelle, et j'ai ainsi conçu de nombreux logos et créé des designs d'entreprise. Cette expérience a été déterminante, car elle a jeté les bases de mon intérêt ultérieur pour les design system, même si à l’époque personne n’avait encore vraiment besoin de ces systèmes. J'ai également travaillé sur de nombreuses chartes graphiques, notamment pour l'Union internationale des télécommunications (UIT), ainsi que pour divers magazines et clients des agences.
Un tournant dans ma carrière s'est produit lorsque j'ai commencé à m'investir dans le domaine naissant des médias interactifs. À l'époque, ces technologies étaient encore balbutiantes. J'ai eu l'opportunité de collaborer avec l'UIT, où j'ai contribué à la communication autour des expositions liées aux télécommunications. De plus, j'ai participé à certaines des toutes premières conférences portant sur Internet, en compagnie d'acteurs clés tels que Netscape. Une autre expérience significative a été la création d'un CD-ROM pour le Nouveau Quotidien, un magazine dirigé par Jacques Pillet. Ce CD-ROM visait à expliquer la démarche journalistique et a rencontré un vif succès, orientant ainsi ma carrière vers les nouveaux médias, même si ces événements se sont produits il y a déjà un certain temps. Après de nombreuses années passées au sein d'agences de publicité, j'ai décidé de me lancer en tant qu'indépendant. À cette époque, la sphère digitale était encore peu explorée, et je me suis rapidement trouvé inondé de projets. J'ai ainsi eu l'opportunité d'accompagner les entreprises dès leurs premières interrogations concernant la communication digitale. En effet, elles commençaient à se demander comment tirer parti du potentiel du numérique pour leurs activités. Il est indéniable que les agences de publicité de l'époque ne possédaient pas encore l'expertise requise pour répondre à ces nouvelles problématiques.
À la suite de ces expériences, j'ai fondé deux agences. L'une d'entre elles, appelée "Prezenz", est toujours en activité. J'ai créé cette agence en partenariat avec un ancien collègue de McCann Erickson. Elle a été fondée pour répondre aux besoins croissants des entreprises cherchant à naviguer dans l'univers émergent du numérique. Elle a ensuite orienté sa carrière vers le e-marketing et le référencement, des domaines qui m'intéressaient moins. Après avoir quitté ce poste, j'ai fait la connaissance de Christophe Miville par le biais d'un développeur que j'avais recruté, un ancien collègue de Christophe. Ensemble, nous avons fondé Graf Miville, une agence digitale généraliste, même si nous étions des spécialistes sans vraiment l'être. Pendant plus de dix ans, nous avons géré cette agence. Cependant, j'ai ressenti le besoin de me recentrer sur l'accompagnement et la conception d'applications, des aspects qui m'intéressaient davantage que la recherche de clients et la gestion administrative, qui ne me passionnaient guère. La gestion de ces tâches était instructive, mais ce n'était pas là ma véritable vocation. Mon désir était de revenir au design et à l'accompagnement. J'ai donc décidé de devenir indépendant, et cela fait plusieurs années que je travaille ainsi.
Ce changement a coïncidé avec l'émergence du terme "UX" (Expérience Utilisateur), bien que ce concept existait déjà sous une forme différente. Auparavant, nous parlions de web design. C'était une époque où nous évoluions dans des domaines distincts. La facilitation digitale est également apparue au même moment. Au début du processus UX, nous nous efforçons de comprendre les besoins du client, de l'aider à exprimer ses attentes. Nous organisons de nombreux ateliers d'intelligence collective et collaborons étroitement avec le client pour faciliter l'expression de ses besoins. Cela est crucial, car il est essentiel de comprendre les utilisateurs, mais aussi de concilier leurs besoins avec les objectifs de l'organisation. Les entreprises ont souvent du mal à formuler correctement leurs besoins. Elles ressentent un problème ou un malaise, mais articuler ces besoins de manière précise est souvent un défi. Nous nous employons donc à aligner ces deux éléments. Cependant, j'ai constaté que, bien que nous soyons spécialistes de l'UX, pour nos clients, cela reste souvent un concept abstrait et complexe. Généralement, ce sont de grandes entreprises disposant de vastes écosystèmes digitaux et de spécialistes dédiés. Pour la plupart des clients, l'UX demeure un domaine complexe. Par conséquent, je m'efforce de rester pragmatique, d'éviter l'utilisation de jargon et de m'exprimer de manière accessible pour simplifier les choses. Je travaille également sur les "design systems", qui demeure ma grande passion. Ce sont des projets de longue haleine où j'accompagne le client à divers niveaux, du design à la technologie, en passant par les opérations de design (design ops), dans le but de fluidifier et de faciliter le travail.
Pour résumer, j'ai évolué de ma carrière initiale de communicant en publicité et en design pour devenir davantage un facilitateur aidant les clients dans le domaine du digital. C'est un parcours enrichissant, et je trouve cela passionnant.
Est-ce toujours quelque chose que tu as voulu faire ?
J'ai toujours eu l'envie de créer, que ce soit par la musique, le dessin ou autre, mais le design a toujours été le vecteur principal de mon travail. Ma première passion, je pense, était la création de logos et d'identités. Même étant enfant, je collectionnais les logos de marques de voitures. C'était un aspect qui m'a toujours intrigué, même si à l'époque, je n'avais pas de références concrètes qui m'ont poussé vers cette passion. Ensuite, une fois que j'ai plongé dedans, j'y suis resté. Bien que je sois plus théoricien qu'artiste, j'ai toujours abordé les choses d'un point de vue théorique. J'ai également toujours été attiré par la technologie, d'où mon intérêt pour tout ce qui est digital et informatique, bien que je ne sois pas un développeur. Les design systems, par exemple, m'ont permis de comprendre l'importance de la collaboration avec les développeurs, car ce sont eux qui rendent les idées possibles. L'innovation technologique et le design typographique ont toujours été des domaines qui m'ont passionné rapidement.
Lors de mes études aux Beaux-Arts à Zurich, nous étions fortement orientés vers la typographie, notamment l’Helvetica qu’il fallait savoir dessiner à main levée, ce qui a renforcé cet intérêt. Je crois que je suis toujours resté plongé dans ce domaine sans même m'en rendre compte, cela a toujours été ma principale préoccupation.
Quelles étaient tes principales inspirations artistiques quand tu étais enfant ?
La bande dessinée a toujours été une grande passion pour moi. Je suis resté abonné à des magazines et cet univers m'a toujours fasciné, celui de raconter des histoires à travers des images. C'est quelque chose que je continue de faire aujourd'hui.
Je m'efforce de créer des contenus intéressants pour les sites, de travailler avec des visuels, des illustrateurs et des infographies. Je pense que cela a beaucoup influencé ma perspective. Une autre grande influence pour moi a été la musique, j'ai été très vite un fan de vinyles. Les pochettes de vinyles ont joué un rôle essentiel, chaque fois que je retrouve une couverture, je me rappelle comment j'ai découvert cette musique, quand je l'ai achetée, cela rappelle des souvenirs et des émotions. À cette époque, un label comme Blue Note a toujours innové au niveau du graphisme et de la typographie de leurs pochettes. Ce n'était pas seulement la musique, mais aussi l'art de la pochette. Cela m'a orienté vers l'idée de créer des univers visuels similaires. Chaque disque avait une identité unique, liée à la musique et à l'artiste, mais aussi à l'histoire de sa couverture. Ces pochettes marquent des époques, des techniques de photographie, des façons de créer, ce qui m'a énormément influencé.
Les vinyles étaient des objets visuels importants, avec beaucoup d'espace pour une représentation visuelle soignée. Je pense qu'il est intéressant d'être polyvalent dans différentes disciplines. J'aime le cinéma, la littérature, et je pense que cela m'aide à être un bon UX designer. Être ouvert à différentes cultures et références, c'est une qualité que j'apprécie, surtout lorsque je discute avec des clients sur des sujets liés à l'UX. Pouvoir échanger sur le cinéma ou d'autres sujets culturels est enrichissant, car cela permet de diversifier les discussions. Les films qui m'ont marqué sont souvent liés à des images spécifiques, des scènes, des dialogues, des moments courts, tout comme les couvertures de disques. Ces souvenirs visuels sont ancrés en moi et créent des connexions entre différentes choses.
Mon intérêt pour l'univers visuel a également été façonné par mes premières expériences dans la publicité. Les publicités audacieuses et risquées de l'époque ont laissé une marque indélébile. J'adorais regarder des émissions liées à la culture publicitaire, elles offraient un aperçu de différentes époques et de méthodes fascinantes.
Comment se passe ta routine matinale ? Ta journée type.
Je suis plutôt bien organisé. En général, mes rendez-vous clients dépendent de mes créneaux horaires, car le matin est le moment où ma créativité est à son apogée, pour une raison que j'ignore. C'est donc le moment privilégié pour tout ce qui est création, recherche de solutions, rédaction, documentation, idées de workshops et exploration de nouvelles idées, particulièrement pour créer des parcours utilisateurs intuitifs et innovants. C'est une routine matinale pour moi. J'essaie de ne pas prendre de rendez-vous le matin, sauf en cas de workshops, qui sont souvent planifiés pour des journées entières. Je m'efforce d'être méthodique et de consacrer deux sessions par jour à la veille. Dans mon métier, cela revêt une importance cruciale. Les technologies, les logiciels et les méthodes évoluent rapidement, et il est nécessaire de s'inspirer de multiples sources.
Je suis très organisé dans mes activités de veille, que ce soit pour l'acquisition de connaissances ou la manière dont je les collecte. Je suis passionné par le concept du “Second Brain”, la façon de prendre des notes pour les récupérer efficacement en cas de besoin. Souvent, nous prenons des notes sans jamais les utiliser car elles sont difficiles à retrouver. Cependant, de nouvelles technologies et méthodes, liées à l'intelligence artificielle, permettent de créer des réseaux de connaissances et de notes pour les retrouver aisément. C'est un peu comme la création de liens entre différentes informations. L'intelligence artificielle aide à retrouver ces données lorsqu'on en a besoin, comme pour trouver une idée créative pour modérer un workshop.
Cet aspect de ma routine contribue à rester à jour dans mes connaissances pour répondre aux demandes des clients et rester innovant dans mes solutions.
Cela rend mes journées plutôt bien structurées. L'après-midi, je me concentre davantage sur la production, tel que le design de composants pour les Design System ou la simplification des parcours utilisateur. C'est une partie plus méthodique de mon travail. J'explore également davantage l'utilisation de l'intelligence artificielle pour accélérer mes processus et découvrir de nouvelles pistes. Je m'organise ainsi pour ne pas perdre trop de temps, car le temps est une ressource limitée et cette méthode me permet d'être efficace, surtout en travaillant seul ou en réseau, mais loin des aspects lourds des collaborations en agence qui peuvent être chronophages.
Tu as évoqué plusieurs fois l'intelligence artificielle dans ton processus de travail. Quels outils utilises-tu en particulier dans ce domaine ?
Oui, ChatGPT et également Notion qui a intégré récemment l’IA. Notion est un outil que j’utilise énormément pour la gestion de mes projets, et l’IA est parfaitement intégrée dans mes processus de travail. Par exemple, lorsque je rédige de la documentation pour des systèmes de design dans Notion, si j'ai des doutes sur une phrase ou si je souhaite générer des variantes, je suis directement dans le contexte sans avoir à quitter l'interface pour accéder à ChatGPT. Travaillant souvent en plusieurs langues, cela me permet également de générer rapidement des traductions.
En parallèle, je suis en train de découvrir des possibilités dans Figma. J’explore intensivement les nouvelles possibilités de Figma et de l’AI, notamment pour le génération de contenus ou de variantes de pages, plus spécifiquement des “Landing Page” pour des campagnes de visibilité. Cela me permet d'explorer différentes pistes rapidement. L'idée est d'intégrer rapidement du contenu concret dans les maquettes Figma, afin de présenter au client des versions avec de vrais contenus au lieu d'utiliser du contenu factice. Cela aide à contourner la difficulté de concevoir des maquettes sans contenu réel. Avec l'IA, je trouve que nous pouvons optimiser nos flux de travail et insérer rapidement des contenus concrets, même dans les premières phases de création de wireframes.
Cependant, en ce qui concerne la conception, j'utilise moins l'IA. Par exemple, pour les logos, j'ai essayé de les retravailler dans DALL-E ou Mid Journey, mais je ne suis pas convaincu de la profondeur de la réflexion dans ces outils pour la conception de logos. J'ai constaté que pour la génération de contenu, c'était plus adapté. Par exemple, récemment, j'ai généré plusieurs variantes de parcours utilisateur. Ce travail généralement fastidieux et considérablement accéléré par l’IA, et il permet même de découvrir des nouvelles pistes suggérées par les outils. Cependant, il faut exercer du discernement pour distinguer les résultats pertinents. Pour moi, c'est un outil qui peut être efficace pour soutenir la recherche en UX.
Quant à ma vision globale de l'IA, je la considère à la fois positivement et négativement. De manière positive, elle apporte une aide considérable dans le travail et l'amélioration des processus. D'un autre côté, je perçois un aspect négatif, car sans discernement ni esprit critique, elle peut générer des contenus éloignés de la réalité. Cela peut être problématique, surtout auprès des publics jeunes qui prennent parfois ces contenus pour argent comptant. Il y a donc une dualité entre son aspect pratique pour le travail et son potentiel danger en termes de diffusion de contenus fake. C'est une problématique déjà existante sur les réseaux sociaux, mais l'IA risque de l'accélérer.
Quel est ton setup actuel ?
Je suis un adepte de l'hypermobilité. Je suis souvent en déplacement chez les clients pour des workshops, c'est pourquoi je privilégie l'utilisation du MacBook. J'accorde également une grande importance aux outils en ligne, notamment Figma, car ils permettent une facilité de partage. Par conséquent, j'utilise principalement des appareils Mac et évite les produits Microsoft et ceux qui proposent une ergonomie déplorable. Je suis toujours étonné de constater que les outils informatiques majeurs sont des cas d’école pour analyser ce qu’est une mauvaise expérience utilisateur. J’essaye de réduire le nombre d’outil que j’utilise et je m’efforce de les maitriser au mieux.
Quelles sont tes inspirations qui t'aident dans ton travail de tous les jours ?
J’ai plusieurs designer UX et spécialistes en Design System que je respecte beaucoup et je suis régulièrement leur travail, via leurs articles (souvent sur la plateforme Medium) ou leurs tutoriaux sur YouTube. C'est là que je trouve la majorité de mes informations. Je m'intéresse particulièrement aux experts en UX, UI et à ceux qui abordent la facilitation dans leur métier, car c'est ce qui m'inspire le plus. Sur YouTube, notamment, je découvre des tutoriels de grande qualité, une source de motivation continue.
J'essaie autant que possible de participer à des conférences pour rencontrer d'autres professionnels du domaine. Ces événements me permettent de me nourrir de nouvelles inspirations. Chaque retour d'une conférence, d'un séminaire, me remplit d'énergie. Ces rencontres sont essentielles, surtout dans un métier où parfois, en tant que freelance, on peut se sentir isolé. Échanger avec d'autres professionnels sur des méthodes de travail ou des sujets concrets est pour moi une source majeure d'inspiration. Cela m'aide à sortir de ma routine. Car il peut être parfois difficile de rester motivé lorsque l'on passe des semaines à travailler sur des wireframes pour un client sans trouver la solution adéquate. C'est là que le partage d'expériences avec mes collègues de l'agence LABSTER ou d'autres experts du domaine m'est précieux. Échanger pendant une demi-heure sur des problématiques communes ou sur des solutions trouvées par chacun est une source incroyable de nouvelles idées.
En ce qui concerne mon travail, ce que j'apprécie le plus, c'est d'accompagner les clients et de faciliter le processus de conception digitale que nous allons entamer ensemble. Ma satisfaction réside dans la collaboration à long terme avec un client, l'organisation de workshops, les discussions sur les wireframes, où je parviens à rendre les choses plus claires et compréhensibles pour eux. Lorsque les livrables que nous fournissons sont précis et qu'ils comprennent aisément les prototypes, c'est là que je me sens accompli. Faciliter le processus de conception est devenu crucial dans un monde où le design s'est complexifié. Autrefois, dans les agences publicitaires, présenter un projet d'affiche avec une photo et un slogan suffisait, mais aujourd'hui, avec des applications complexes, le processus est bien plus exigeant. Mon objectif est de simplifier ce processus en créant des visuels clairs et pertinents à chaque étape.
Je suis également passionné par la « Street photography ». Des photographes comme Vivian Maier, Robert Frank, Gary Winogrand ou encore Eliott Erwitt sont des témoins capitaux de notre civilisation. Chacune de leur photo permet de s’imaginer les histoires des gens photographiés, souvent capturés à leur insu. J’essaye d’en faire le plus possible lors de mes voyages, comme les quelques images présentées dans cette page, notamment à Berlin, à Lisbonne, à Venise ou encore au Brésil.
As-tu un projet de rêve ? Un(e) designer/designeuse, une marque avec qui tu souhaiterais collaborer ?
Ce serait quelque chose en lien avec ma passion pour la musique. J'ai toujours été très intéressé par la BD, et par une approche interactive de la musique. Mon idée serait de découvrir de nouveaux musiciens tout en établissant un réel contact avec eux ou avec des labels pour promouvoir une musique authentique. En parlant d'intelligence artificielle plus tôt, j'ai aussi une appréhension concernant la musique créée pour répondre à des critères commerciaux et obtenir le maximum d'écoutes. Je crois fermement qu'il y aura un retour à des groupes capables de monter sur scène et de jouer de vrais instruments, même s'ils font quelques fausses notes. Ce serait un projet parallèle sur lequel j'aimerais investir du temps, une sorte d'histoire interactive du rock. Ce projet permettrait également de découvrir de nouveaux groupes et de les impliquer.
Je trouve particulièrement intéressant ce que l'on peut voir sur YouTube, comme les "Tiny Desk Concerts", où des artistes jouent dans un petit espace et cela est enregistré pour la chaîne YouTube. Cela oblige les musiciens à se produire dans des conditions plus difficiles, sans l'infrastructure technique habituelle, ce qui donne une authenticité aux performances. Un projet de ce genre m'attire énormément, mais le problème principal reste le temps, une ressource limitée pour tout le monde. Les journées passent vite et cela peut être frustrant.
L'idée d'utiliser des voix célèbres pour faire chanter des chansons ou de voir des musiciens en concert utiliser des correcteurs de voix est à la fois impressionnante et effrayante. Cela uniformise la musique et je crains que cela entraîne une perte de diversité et d'authenticité dans le domaine. C'est un peu comme ce que j'ai remarqué dans le domaine des images générées : elles ont souvent un aspect reconnaissable, une sorte de style caractéristique. Cependant, j'ai découvert des exceptions intéressantes, notamment une photographe spécialisée dans le packaging et les prises de vue de produits. Elle maîtrise son art, sa manière d'éclairer et de mettre en valeur les produits est impressionnante au point où il est difficile de distinguer ses créations des autres. Mais j'ai des craintes quant à cette uniformisation, qui se manifeste déjà dans la musique, où certains labels fabriquent des produits standardisés, avec une image, un look et une musique préformatés dans le but de garantir le succès commercial.
Je suis passionné par l'idée de préserver la diversité musicale et de lutter contre cette uniformisation. Un projet qui m'intéresserait serait de collaborer avec un illustrateur pour créer des interfaces spontanées, offrant une expérience visuelle qui se transforme en expérience musicale.
De quel projet es-tu le plus fier ? Et pourquoi ?
Il est un peu délicat pour moi de citer spécifiquement un projet en particulier. La plupart des projets auxquels j'ai participé se sont bien déroulés et je suis satisfait des résultats obtenus. Il y a, bien sûr, le projet PDCN (Plan directeur cantonal) que nous avons mené avec l'agence Idéative, qui a d'ailleurs remporté plusieurs prix. Je suis particulièrement satisfait du résultat car il a impliqué une excellente collaboration avec le client ainsi qu'avec les développeurs. C'est un produit abouti à tous les niveaux et je suis fier de ma contribution.
Ensuite, il y a eu des projets dans le domaine des applications médicales, assez complexes, où trouver des solutions pour faciliter le travail hospitalier et la transmission des informations a été très intéressant. Ce dont je suis fier dans ces projets, c'est d'avoir pu transformer des problèmes en solutions, de répondre à des besoins concrets, que ce soit au niveau visuel, fonctionnel, informatique ou autre.
Un remède contre la feuille blanche ou le blocage créatif ?
Habituellement, j'essaie de formuler ou de rédiger dans un carnet à la main. Mon processus commence par poser clairement la problématique. Je crois fermement que le côté méditatif de bien définir le problème et de comprendre pleinement les enjeux est crucial. Ensuite, je laisse le temps faire son œuvre. Par la suite, je passe à l'étape des esquisses. Lorsque je débute un projet UX, je visualise souvent une architecture, des flux, utilisateurs ou des parcours. Je dessine généralement des petits schémas avec des bulles qui indiquent les actions à effectuer, comme acheter un billet d'avion par exemple. J'aime vraiment effectuer la première partie du travail en esquissant, car travailler sur l'ordinateur peut parfois créer une anxiété de la page blanche. Lors des premières étapes, je présente parfois ces esquisses aux clients. Même à ce stade, je les digitalise parfois et les intègre dans Figma pour les montrer. Jusqu'à présent, cela n'a jamais posé de problème. Cette approche me permet d'avancer rapidement et de débloquer les idées plus aisément.
Je travaille généralement sur des formats A3 qui offrent une certaine liberté. J'essaie également de travailler sur des esquisses avec un iPad, mais cela est différent. Avec le papier, je suis totalement focalisé. Je n'ai pas à me préoccuper des mises à jour ou des notifications incessantes. Cette discipline, je l'ai acquise avec le temps. Si je suis bloqué, je commence à esquisser. Si cela ne suffit pas, j'essaie simplement de rédiger les données du problème. Ensuite, je prends du recul, souvent une journée, une nuit, et en général, le matin suivant, la solution émerge. Je ne sais pas si c'est une habitude ou si cela a toujours été le cas pour moi, mais je ne suis pas trop affecté par ce problème. Si je n'arrive pas à débloquer la situation, c'est peut-être parce que je n'ai pas saisi le problème correctement, et alors, je réengage la discussion avec le client. Parfois, après en avoir discuté avec lui, nous nous rendons compte que nous n'empruntons pas la bonne voie, que nous explorons la mauvaise piste. Sauter d'un sujet à un autre, passant d'une organisation internationale à la médecine, aux boutiques en ligne ou aux banques, rend parfois difficile la compréhension des métiers pour lesquels nous travaillons.
À ce sujet, ça me rappelle une anecdote. J'avais trouvé un guide de survie pour les créatifs dans une librairie à Berlin. Il y avait un plan de la ville avec des endroits pour réfléchir, comme des parcs, des bistros, des berges, des lieux pour sortir du contexte habituel. Cela aide souvent à sortir de derrière l'ordinateur. On pourrait créer quelque chose de similaire pour les jeunes, les inciter à passer quatre heures à résoudre un problème, non pas en restant assis, mais en se promenant, en laissant les idées germer. C'est quelque chose que nous devrions enseigner aux étudiants, car c'est souvent la clé pour trouver des solutions innovantes. Les formations actuelles se concentrent trop sur les outils et pas assez sur l'aspect expérimental.
Quant à ma vision globale de l'IA, je la considère à la fois positivement et négativement. De manière positive, elle apporte une aide considérable dans le travail et l'amélioration des processus. D'un autre côté, je perçois un aspect négatif, car sans discernement ni esprit critique, elle peut générer des contenus éloignés de la réalité.
Patrick Graf
Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui souhaite devenir designer UX/UI ?
L'expérience utilisateur repose avant tout sur le bon sens, en se demandant comment rendre quelque chose logique. Quand j'utilise des applications ou des logiciels, je suis souvent surpris par leur manque de logique. Et il est clair qu'une bonne connaissance de Figma est nécessaire pour créer des interfaces de manière efficace. Il est essentiel de maîtriser les méthodologies d'intelligence collective pour organiser des workshops productifs. Lors de ces rencontres, si l'ambiance ne prend pas ou que des problèmes de hiérarchie surgissent, il est crucial de réagir avec bon sens, d'empathie et d'improvisation pour recréer une atmosphère positive.
En tant que designer UX, il est primordial de se mettre à la place de l'utilisateur et de créer des interfaces non seulement esthétiques, mais surtout efficaces et faciles à utiliser. L’objectif d’une interface digitale est de faciliter les tâches que l’utilisateurs doit accomplir, soit fluidifier le parcours entre son intention initiale et la solution qu’il cheche. En Suisse, les formations spécifiques à ce domaine sont encore rares, mais observer les applications existantes, en faire des audits et trouver un mentor pour accompagner dans des projets concrets peuvent être d'une grande aide.
Dans ce métier, il est essentiel d'apprendre continuellement, car l'évolution est constante. Les écoles devraient mettre davantage l'accent sur cet aspect, en enseignant comment apprendre, effectuer une veille constante et se remettre en question. Pour réussir, il faut être adaptable et avoir une soif d'apprentissage. Cela vaut pour tous les domaines professionnels actuels. Il est également important de ne pas hésiter à contacter des professionnels du domaine pour discuter, échanger et apprendre de leurs expériences.
Où peut-on te suivre et consulter tes travaux ?
On peut découvrir l’ensemble de mes prestations sur mon site “less is more”. La majorité de mes travaux UX sont confidentiels et les livrables plus théoriques que visuels. Mais je me déplace volontiers pour présenter ma démarche UX… car dans ce métier la démarche est aussi importante que le résultat.
Fondue ou Raclette ?
Fondue ! J'en ai acheté d'ailleurs là avant de faire cette interview. C'est la saison des fondues, elle est de retour.
Photo de mon portrait : Enrique Pardo
enriquepardo.com
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